Qu'est ce qu'apprendre ? Par Pierre-jean Haution

Avertissement : cette leçon n'est pas de très haute volée. Elle peut toutefois donner quelques pistes sur le sujet.

Introduction

"Philosopher, c'est apprendre à mourir" nous dit Montaigne. Plus largement, on serait en droit de se demander si la philosophie dans son ensemble n'a pas trait à l' "apprendre" tout court. Que serait-ce alors qu'apprendre ? Est-il possible de répondre à la question de manière univoque, tant il est vrai que le terme paraît renvoyer à une pluralité de domaines, et qu'apprendre une leçon, apprendre à lire ou apprendre à aimer sont des expressions qui paraissent renvoyer à des réalités toutes différentes ?

Étymologiquement, "apprendre" aurait pour origine le latin "apprehendere" qui signifie saisir ou prendre. Il y aurait donc dans le fait d'apprendre une certaine forme d'appropriation, de prise de possession. Cependant, l'étymologie ne paraît nous livrer qu'un aspect tronqué de ce que signifie apprendre. En effet, apprendre c'est certes acquérir une connaissance ou un savoir-faire, mais c'est aussi enseigner, c'est-à-dire faire acquérir une connaissance ou un savoir-faire. Le fait d'apprendre ne serait donc pas à sens unique, mais traduirait plutôt un double mouvement entre un maître et son élève (ou son apprenti). Ne faudrait-il pas dès lors confronter le terme "apprendre" à des termes qui lui sont proches, comme enseigner, instruire ou étudier afin de mieux cerner ce double mouvement dans ce qu'il a de particulier ?

Quoiqu'il en soit, l'acte d'apprendre semble fondamentalement lié au problème de la connaissance, et corrélativement à celui de l'ignorance. Or, si apprendre c'est chercher ou s'efforcer de connaître, il semble indispensable de rendre compte des modalités de l'apprentissage si l'on veut découvrir ce qui fait la nature propre de tout "apprendre". Pour cela, il sera nécessaire de l'envisager autant d'un point de vue heuristique que pédagogique, et par conséquent le comprendre aussi bien dans sa dimension purement cognitive que dans sa dimension sociale ou culturelle.

Dans un premier temps, nous nous attacherons donc à montrer le rapport qu'entretient l'acte d'apprendre avec la connaissance sous toutes ses formes, défini qu'il doit être entre les deux pôles opposés du savoir et de l'ignorance. Ayant ainsi, sinon défini, du moins mieux circonscrit les "conditions de possibilité" de l'apprentissage, il nous faudra mettre en perspective cette possibilité avec le besoin qui sous-tend ce dernier. D'un besoin vital, nous passerons alors à un besoin social, pour finalement considérer l'acte d'apprendre dans sa dimension culturelle et dans sa fonction de cohésion sociale, en soulignant notamment les difficultés inhérentes au fait d'apprendre.

I. De l'ignorance à la connaissance

Que l'on considère qu'apprendre c'est informer ou être informé de quelque chose qu'on ignorait, ou que plus fondamentalement, c'est acquérir ou faire acquérir en l'étudiant une connaissance, une manière d'être, ou encore une compétence, deux traits principaux nous apparaissent :

  1. Le fait d'apprendre traduit le passage d'un état d'ignorance, à un état de connaissance.
  2. Il nécessite la présence de deux sujets : l'un qui transmet le savoir, l'autre qui le reçoit.

On pourrait donc penser, en reprenant les termes de Descartes dans son Traité des passions, que ce qui est action d'un côté est passion de l'autre. En effet, tandis que le premier, que nous pouvons appeler maître ou enseignant, donne (ce qui traduit une forme d'activité), le second, élève ou apprenti, reçoit (ce qui traduit une forme de passivité). Pourtant, l'expérience commune que nous avons de l'apprentissage nous renvoie bien plus à une pratique, à un effort, à une attention, impliquant une activité de notre esprit. En ce sens, l'étymologie est éclairante, puisque lorsque nous apprenons, nous "saisissons" en quelque sorte un savoir, c'est-à-dire que nous sommes bien actifs dans l'acte d'apprendre. Ainsi, il est sans doute vrai comme l'écrit Aristote dans le livre A de la Métaphysique, que "Tous les hommes ont par nature le désir de connaître", mais il n'est pas certain qu'ils aient tous le désir d'apprendre car apprendre implique un travail, qui peut souvent nous décourager.

Il n'en reste pas moins que cet acte se paraît se manifester par un double mouvement de pensée : un mouvement d'explication qui serait celui du professeur, et un mouvement de compréhension qui serait celui de l'élève. Toutefois, si ce double mouvement paraît caractériser le fait d'apprendre, le couple maître-élève est-il toujours pertinent ?

En effet, je peux apprendre à me servir d'un outil (un marteau par exemple), sans pour autant avoir besoin d'un maître. Est-ce à dire que l'expérience puisse tenir ce rôle, ou que je sois à moi-même mon propre maître ?

L'article "Apprendre" de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert fait la distinction entre apprendre d'une part, et s'instruire d'autre part. Ainsi, apprendre nécessiterait la présence d'un maître ("on apprend d'un maître), tandis que s'instruire n'en nécessiterait pas ("on s'instruit soi-même). De même, on apprend en écoutant, alors qu'on s'instruit en s'interrogeant. Ou encore, on peut apprendre sans le vouloir, tandis qu'on veut toujours s'instruire. Le fait de s'instruire serait donc un acte individuel, relevant d'une démarche volontaire et personnelle alors que le fait d'apprendre traduirait une forme d'échange entre deux personnes, tenant plus de l'attention que de l'interrogation. Néanmoins, cette distinction ne résout pas le problème de l'expérience. Si je suis témoin d'un événement, par exemple d'une manifestation, j'acquiers une information, en d'autres termes, j'apprends quelque chose. Peut-on dès lors considérer l'expérience comme un principe d'apprentissage ?

Dans les Regulae, Descartes distingue deux manières de parvenir à la connaissance : l'expérience et la déduction, et il écrit (Règle II):

"Les expériences que nous avons des choses sont souvent trompeuses, mais la déduction, c'est-à-dire la pure et simple inférence d'une chose à partir d'une autre […] ne peut jamais être mal faite par un entendement doué de raison, fût-ce au plus faible degré".

L'expérience est donc source de connaissance, même si elle ne peut nous fournir la certitude de la démarche déductive. Cependant, l'exposé cartésien ne manque pas d'ambiguïté, puisqu'il différencie plus loin deux moyens de parvenir à la connaissance des choses sans aucune crainte d'erreur : la déduction toujours, mais aussi l'intuition qu'il définit (Règle III):

"non point le témoignage instable des sens, ni le jugement trompeur de l'imagination qui opère des compositions sans valeur, mais une représentation qui est fait de l'intelligence pure et attentive, représentation si facile et si distincte qu'il ne subsiste aucun doute sur ce que l'on comprend"

L'expérience au sens où nous l'entendions paraît donc disparaître même si Descartes admet que la sensibilité et l'imagination sont des adjuvants précieux à la connaissance. Par conséquent, le fait d'apprendre semble se réduire dans sa forme la plus étendue et la plus certaine, à une simple démarche intellective, qu'elle soit intuitive ou déductive (saisir un enchaînement causal ou une évidence). Or, puisque la déduction ne peut se faire qu'à partir de principes que seule l'intuition est à même de saisir, comment comprendre la faculté intuitive elle-même si celle-ci ne tire son origine que de l'âme ? N'est-il pas plus satisfaisant de penser avec Platon, que le phénomène d'apprentissage n'est qu'une simple remémoration ?

Dans le Ménon, Platon nous livre un très bel exemple d'apprentissage lorsqu'il tente de faire découvrir à l'esclave la manière de doubler la surface du carré.

Le problème que pose Ménon est celui de la possibilité de la recherche de la connaissance. En effet, on ne saurait chercher ce que l'on sait puisqu'on le sait, et de même, on ne saurait chercher ce que l'on ne sait pas puisque l'on ne sait pas quoi chercher. Cette question ne se pose par pour Descartes, qui écrit dans ces mêmes Regulae :

"D'abord, dans toute question, il doit y avoir nécessairement quelque chose d'inconnu, car autrement sa recherche serait vaine; deuxièmement, cet inconnu doit être désigné de quelque manière, car autrement nous ne serions pas déterminés à le chercher plutôt que n'importe quel autre objet; troisièmement, il ne peut être ainsi désigné de quelque autre chose qui soit connu".

En vérité, Platon ne contredirait pas Descartes à ce sujet, et c'est même l'immortalité de l'âme qui rend compte chez lui de ce "quelque chose qui est connu". C'est ainsi qu'il fait dire à Socrate (Ménon, 81):

"Donc, puisque l'âme est immortelle et qu'elle a vécu plusieurs vies, et qu'elle a vu tout ce qui se passe ici et dans l'Hadès, il n'est rien qu'elle n'ait appris. […] Comme tout se tient dans la nature et que l'âme a tout appris, rien n'empêche qu'en se rappelant une seule chose, ce que les hommes appellent apprendre, elle ne retrouve d'elle-même toutes les autres, pourvu qu'elle soit courageuse et ne se lasse pas de chercher; car chercher et apprendre n'est autre chose que se ressouvenir".

Il n'y a donc pas à proprement parler d'enseignement mais une réminiscence; nous n'apprenons rien de nouveau, nous ne faisons que nous ressouvenir, c'est-à-dire que les opinions vraies que nous portons en nous, réveillées par l'interrogation, deviennent des sciences. Cependant, la théorie platonicienne, aussi belle soit-elle, ne peut à elle seule nous permettre de définir ce que signifie apprendre. En assimilant la pensée à un dialogue de l'âme avec elle-même, elle nous aide à comprendre comment il est possible de s'instruire, autrement dit elle exprime la capacité qu'a chacun d'apprendre mais ne fournit pas l'origine du phénomène d'apprentissage (cf. problème de la régression à l'infini).

II. Les modalités de l'apprentissage

Dans sa Critique de la raison pure (Préface), Kant pose l'expérience comme fondement de toute connaissance. Selon lui, toute connaissance commence avec l'expérience de sorte que l'entendement "fonctionnerait à vide" et ne serait capable en aucune manière d' "apprendre" quoi que ce soit sans l'intuition sensible. Pour Kant, "penser c'est connaître par concepts", mais le processus cognitif nécessite une triple synthèse qui seule est à même de nous livrer une connaissance objective des phénomènes. Pour apprendre quelque chose, il faut donc d'abord que nous soit donné le phénomène dans l'intuition = synthèse de l'appréhension dans l'intuition, puis que le divers intuitif soit réuni dans le schème transcendantal = synthèse de la reproduction dans l'imagination, et enfin qu'il soit unifié au moyen des catégories de l'entendement = synthèse de la recognition dans le concept.

Cependant, Kant ne demande pas "Que puis-je apprendre ?" mais bien "Que puis-je connaître ?", si bien qu'on peut se demander si la théorie kantienne est véritablement une théorie de l'apprentissage (au sens où nous l'entendons communément). Il n'en demeure pas moins qu'elle rappelle le rôle central que joue l'expérience dans la connaissance, ce qui fait dire à Kant dans sa Théorie transcendantale de la méthode (Architectonique de la raison pure) qu'il n'y a pas, excepté les mathématiques, d'apprentissage a priori possible :

"Il n'y a donc entre toutes les sciences rationnelles (a priori) que les mathématiques qui puissent être apprises, mais jamais la philosophie (si ce n'est historiquement); quant à ce qui concerne la raison, on ne peut, tout au plus, apprendre qu'à philosopher".

C'est ce rôle de l'expérience qu'il s'agit maintenant d'approfondir, en élargissant le domaine de l'apprentissage au-delà de la simple sphère cognitive.

Si l'on s'intéresse à l'étude du développement du comportement des animaux par exemple, on s'aperçoit qu'existent deux grands processus d'apprentissage.

  1. Il existe des séquences motrices complètement fonctionnelles qui se développent de manière innée, sans éducation préalable (ex. : le vol des oiseaux). En ce sens, le fait d' "apprendre" révélerait une forme de connaissance innée, c'est-à-dire que certains comportements pourraient être codés génétiquement pour s'exprimer lors de l'ontogenèse. Ici, un parallèle peut être fait avec la théorie platonicienne qui (tout en restant prudent et sans tomber dans l'anachronisme), comportait déjà cette idée d'un savoir préexistant à l'individu.

  2. Il existe des comportements où la maturation des structures anatomiques ne suffit pas pour permettre leur correcte réalisation, mais au contraire l'individu apprend progressivement à partit d'un modèle fourni par le milieu extérieur (congénère ou autre) ? apprendre ce serait donc avant tout imiter.

De la même façon, de nombreux animaux apprennent à reconnaître leurs congénères par contact visuel ou olfactif, autrement dit sensible. La sensibilité et ainsi l'expérience jouent donc un rôle essentiel dans ce qu'il faut appeler l'apprentissage puisque naît un savoir-faire, apparaît un comportement qui n'existait pas jusqu'alors. Mais comment comprendre un tel apprentissage ?

Le terme de milieu extérieur, employé plus haut doit nous amener à envisager le phénomène d'apprentissage en relation avec le monde du sujet qui apprend. En réalité, nous pouvons dire qu' "apprendre, c'est s'adapter à son environnement. C'est ce que révèlent les études éthologiques relatives à la mise en situation de différents animaux, comme le rat.

Si on place celui-ci dans un labyrinthe dont la sortie coïncide avec la présence d'une récompense (nourriture), alors, on s'aperçoit que très vite, il va apprendre à mettre en relation deux expériences : une expérience perceptive, à savoir la configuration du labyrinthe, et une expérience affective, la présence de nourriture. Cela suppose donc une mémoire (cf. Platon), mais aussi et surtout une faculté de superposer une valeur à un événement. Autrement dit, si le rat apprend par "essais et erreurs", c'est parce qu'à un processus cognitif (retenir le tracé du labyrinthe) qui suppose un traitement de l'information, vient correspondre un processus affectif (il est bon, parce qu'on obtient de la nourriture, de sortir du labyrinthe). Apprendre, ce n'est donc pas seulement acquérir une connaissance, c'est donner une valeur à cette connaissance. C'est d'ailleurs ce que n'ont cessé de démontrer les premiers philosophes grecs.

Ainsi, lorsqu'Aristote étudie dans l'Éthique à Nicomaque (livre II), le problème de la vertu, il pose que pour devenir vertueux, il faut observer l'homme vertueux (le phronimos). Mais cet apprentissage de la vertu n'a d'utilité que parce qu'il est bon devenir vertueux. Il n'est possible d'apprendre que parce qu'existe une motivation d'apprendre.

Pb : comment le phronimos a t-il pu lui-même devenir vertueux ?

C'est que la vertu est pour Aristote le fait d'une disposition, à laquelle doit s'ajouter une pratique (à nouveau cette idée de quelque chose qui est déjà là, et quelque chose qui s'ajoute par un exercice).

Nous voyons donc qu'apprendre est autant une nécessité vitale qu'une nécessité à la vie heureuse. "Tous les hommes désirent par nature connaître", cette nature s'inscrit certes dans un devenir biologique mais prend une dimension nouvelle au niveau culturel.

III. Apprendre pour tisser du lien social

Chez Descartes, qui se veut un autodidacte, nous avons vu que la dimension heuristique prenait le pas sur la dimension proprement pédagogique. Or, si le fait d'apprendre peut effectivement être l'œuvre d'une démarche individuelle, il implique de manière tout aussi fondamentale un caractère social.

Dans son livre La philosophie… biologique, André Langaney, dans un chapitre intitulé "Ignorer pour apprendre", montre que le conditionnement pavlovien est une forme fondamentale d'apprentissage. Toutefois, on ne saurait le confondre avec l'apprentissage proprement culturel qui introduit les notions d'enseignement et d'éducation, et plus fondamentalement l'idée de transmission. Apprendre, c'est aussi passer du naturel au culturel.

Tout d'abord, par le passage d'un comportement stéréotypé (celui des "automates génétiques") à un comportement plus flexible et plus facilement adaptable, apprendre permet aux vivants de se dégager des contraintes purement matérielles du milieu et donc de s'affranchir des conditions naturelles. L'acquisition d'un savoir-faire nous rend en quelque sorte comme "maître et possesseur de la nature", notamment par le développement de techniques manuelles ou industrielles.

Cependant, l'apprentissage ne contient-il pas aussi des conséquences perverses ? Ainsi, comme l'analyse Marx dans le Capital, l'apprentissage de gestes de plus en plus rudimentaires et de plus en plus précis dans la production industrielle moderne entraîne une aliénation de l'ouvrier (travail à la chaîne). Celui-ci est renvoyé au rang d'automate même si cette fois il n'est plus génétique. En réalité, cet apprentissage ne revêt pas l'aspect positif de l'apprentissage en général ; c'est même la négation de tout apprentissage car il annihile tout savoir-faire. Il étouffe les facultés intellectuelles de celui qui en est la victime (cf. "principe aristotélicien"). Bien plus donc, on peut dire que c'est dans la société artisanale que le fait d'apprendre reçoit une signification proprement valorisante. Et comme l'écrit Heidegger (Qu'appelle t-on penser ?), le modèle de l'apprentissage est bien pratique. Dans le compagnonnage par exemple, la relation maître-apprenti instaure une véritable relation par la transmission d'un savoir. Apprendre, c'est donc bien enseigner d'une part et étudier d'autre part.

Dans le Ménon, Socrate se défend que l'on puisse enseigner, et il affirme qu'il n'a rien appris à l'esclave et qu'il ne l'a aidé qu'à se ressouvenir. Néanmoins, comme nous l'avons vu, c'est bien d'un enseignement dont il s'agit car Socrate apprend à l'esclave à raisonner, c'est-à-dire à appliquer les règles de l'enchaînement logique. Certes, Socrate peut faire croire qu'il n'apprend rien car les raisonnements mathématiques ou logiques sont a priori c'est-à-dire qu'ils peuvent être déduits de principes sans faire appel à l'expérience. D'ailleurs, il y a une certaine ironie de la part de Platon à nier la possibilité d'un enseignement au sens propre alors que la vie entière de Socrate est vouée à "l'éducation" de ses interlocuteurs et que Platon lui-même a fondé une Académie. En fait, comme l'a bien compris Descartes, apprendre, c'est avant tout apprendre une méthode d'où le besoin d'un professeur pour l'inculquer. Mais apprendre nécessité aussi l'action. En effet, apprendre c'est faire ; on apprend en faisant.

Il y aurait donc ce qui ne s'apprend pas : le bon-sens ou la faculté de juger, fondement nécessaire à tout apprentissage. La question est alors non pas tant d'acquérir des connaissances que d' "apprendre à penser". Comme l'écrit Kant dans Théorie transcendantale de la méthode, on ne peut pas apprendre la philosophie (sauf historiquement) "on ne peut apprendre qu'à philosopher". Et certes pour apprendre à penser, comme le souligne Hegel, il faut apprendre des pensées, mais pour que cet apprentissage réussisse, il faut donner à l'élève le goût d'apprendre, car c'est bien en cela que consiste le fait d'enseigner.

Le fait d'apprendre, dans son double point de vue, instaure donc une relation, un lien entre les différentes personnes. Il y a transmission d'un savoir, d'un savoir-faire mais aussi de certaines valeurs. C'est pourquoi il est au fondement de la culture. En effet, ce qui fait le propre de la culture, c'est qu'elle peut se transmettre. Ainsi, la théorie lamarckienne de l'hérédité des caractères acquis est aujourd'hui réfutée. Le développement ou l'atrophie d'un organe sous le coup de l'usage ou de son défaut, ne peut être transmis héréditairement. En revanche, le phénomène culturel répond parfaitement au schéma lamarckien puisque les parents peuvent apprendre à leurs enfants et ainsi de suite. Il y a transmission de l'apprentissage, ce qui permet en outre une accumulation et une progression du savoir. En étudiant, puis en enseignant, enrichis que nous sommes de notre propre expérience, nous construisons un patrimoine. Ainsi, c'est parce que nous pouvons apprendre que nous sommes "montés sur les épaules de géants". Apprendre, c'est profiter et faire profiter de notre savoir l'ensemble d'une culture, culture qui se construit elle-même dans l'apprentissage.

  • CCL : "Qu'est-ce qu'apprendre ?". Apprendre est tout d'abord une nécessité vitale à laquelle s'ajoute très vite une nécessité sociale. Apprendre, c'est mettre en œuvre notre capacité à utiliser l'expérience comme source d'information afin de s'adapter aux exigences du monde qui est le nôtre. Certes, on peut apprendre par simple plaisir, et c'est tout le rôle du pédagogue de conférer ce goût de l'apprentissage à ses élèves, mais il est probable que le plaisir d'apprendre, "naturel", n'a pas pour origine le simple désintéressement. Apprendre se comprend donc dans une logique individuelle, mais aussi interindividuelle, car apprendre c'est aussi communiquer avec l'autre et tisser un lien social.

Remarques :
  • Apprendre c'est faire, on apprend en faisant (idée à développer)

  • Développer la démarche de l'Aufklärung

  • Développer les références à Marx et à Heidegger (ou supprimer cette dernière sinon).

 

 

Bibliographie

Platon, Ménon

Aristote, Métaphysique

Descartes, Règles pour la direction de l'esprit

Kant, Critique de la raison pure
Publié le 14/07/2021
Modifié le 14/07/2021